La vache & le pangolin #8 ÉPISODE 8

TREVAREZ III

Noélie Blangarin, qui travaille sur l’histoire du lieu nous reçoit et nous raconte. James de Kerjegu avait un temps quitté la Bretagne pour embrasser une carrière diplomatique et parcourir le monde. Mais Trévarez et l’agronomie, passion familiale, commencent à lui manquer. Après épousé une des femmes les plus riche d’Europe la petite fille du banquier Salomon von Haber, James revient à Trévarez. Poursuivant la modernisation du domaine, il s’inquiète des conditions de vie des paysans et approuve les lois de protections sociales. Il fonde à Trévarez l’école d’agriculture du Finistère et devient président du conseil général. Le domaine poursuit ses recherches agronomiques.

Promouvoir la modernité de l’agriculture et l’élevage du Finistère est son obsession. Dans son château ultramoderne, mais rassurant les mentalités conservatrices par son façadisme médieval, il reçoit l’élite parisienne de la 3eme république, la ravissant de chasses à cours, de banquets, de promenades et de fêtes. Plus d’une centaine de personnes peuvent vivre en même temps sous le même toit. Et le domaine, ses champs et ses vaches nourrissent tout ce monde-là. Il fait construire des serres chauffées, encore visibles de nos jours, et abreuve ses invités toute l’année, dégagée des contraintes saisonnières, des produits de l’agronomie du Finistère moderne. Vitrine délicieuse et convaincante. De cette époque de fêtes et de confiance en l’avenir, il ne reste aujourd’hui plus grand chose. James est mort en 1908, deux ans après l’achèvement du château. Lors de la Seconde Guerre Mondiale, Trévarez est réquisitionné par l’armée allemande et affecté comme lieu de villégiature pour officiers nazis et japonais. Bombardée par les Anglais en 1944, l’immense toiture hérissée de pinacles, de cheminées et de gargouilles s’effondre dans les chambres et les salons. Il faut quelques secondes pour que le château passionnément édifié pendant deux décennies s’atomise en ruine.

Mais la passion des Kerjegu pour la recherche agricole n’est pas morte sous les bombes. Racheté à la famille par le conseil départemental, Trévarez renoue avec son passé. En 1970 ouvre la station expérimentale de Trévarez, une ferme s’occupant d’élevage et d’agrobiologie. C’est là que nous avons rencontré Pascal, son responsable.

Trévarez pour nous, ça a été la découverte d’un lieu emblématique de plusieurs révolutions et mutations agricoles successives qui a fait passer la Bretagne d’une paysannerie de subsistance à une agriculture raisonnée , puis productiviste et maintenant soucieuse d’équilibre environnementale. Un condensé d’ histoire agricole en Occident durant ces deux derniers siècles.

Texte David Wahl
Photographie Sébastien Durand