La vache & le pangolin #4 ÉPISODE 4

PARDON

En tout cas ce n’est pas en Bretagne qu’on va vous dire le contraire. Dans ce pays du lait, où la pluie et la douceur semblent avoir été créées pour y faire pousser des fermes, la vache y jouit depuis toujours d’une réputation quasi-divine. Il est vrai que posséder une vache pour un paysan, c’était s’assurer d’une petite fortune : la traite du lait, le barattage du beurre... Sans compter de petits travaux de traction que l’on pouvait troquer. Tout cela garantissait de la famine et pouvait même faire pénétrer chez soi quelques piècettes d’argent, fort rare en cet âge d’agriculture de subsistance.

On ne s’étonnera donc pas de la ferveur populaire de ces heureux vachers cherchant à faire tomber sur leurs compagnes la faveur divine. En Bretagne deux saints sont même attachés à la protection du bétail. Le premier est un pape : le bien nommé Saint Cornely, de Cornelius, qui signifie en latin « cornu », et a donné en français le nom Corneille. Corneille comme le tragédien et pas comme l’oiseau donc.

Le second, Herbot, est quant à lui le saint protecteur d’un village, dans lequel se déroule encore aujourd’hui et depuis plusieurs siècles un Pardon, au cours duquel vaches et hommes, d’un même pas, font plusieurs fois le tour de l’église et laissent à l’autel quelques touffes de crin en offrande au saint, s’assurant ainsi de sa bénédiction et de sa protection. Preuve émouvante de la longue collaboration agricole, cultuelle et culturelle qu’hommes et bovins ont ici lié au travers des âges.

Texte David Wahl
Photographie Sébastien Durand